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Les bâtiments, construits par Urbain Vitry de 1828 à 1831 et entièrement rénovés, abritent désormais les collections d'art moderne et contemporain de la Ville de Toulouse et de la Région Midi-Pyrénées. Riche de près de 2000 oeuvres du XX° siècle représentant les différents courants qui ont traversé l'art et parmi lesquelles figure le fameux " Rideau de scène du 14 juillet " de Picasso, le Centre d'art contemporain prévoit aussi des expositions et des lieux de rencontre : salle multimédia, auditorium et café - restaurant.
En 1823, la ville décide de regrouper les différents abattoirs de Toulouse sur un site en bordure de la Garonne. En 1825, le projet est confié à Urbain Vitry, architecte de la ville de 1830 à 1843. Le plan basilical utilisé par l'architecte, la simplicité du langage néoclassique, la symétrie et le rationalisme du plan confèrent à ce bâtiment un haut niveau d'abstraction.
Les abattoirs cessent leur activité en 1989 et sont inscrits l'année suivante à l'inventaire des Monuments historiques. En 1995, le projet des architectes Antoine Stinco et Rémi Papillault est retenu et ce nouvel espace ouvre ses portes en juin 2000.
A partir d'une architecture industrielle, en l'occurrence un lieu chargé de mémoire pour nombre de Toulousains, il s'agissait de créer un nouvel espace destiné à présenter des oeuvres d'art.
Comment conjuguer architecture du XIX° siècle et écriture contemporaine en intégrant les contraintes inhérentes au lieu : gagner de nouveaux espaces, offrir le maximum de mobilité aux oeuvres, et s'arranger du monumental rideau de scène de Picasso qui ne doit voir le jour que 6 mois de l'années. En 1936, assisté de son ami Luis Fernandez, Picasso réalise ce rideau de scène à partir d'une gouache intitulée la Dépouille du Minotaure en costume d'Arlequin, pour le Quatorze-Juillet de Romain Rolland. Mythologie tauromachique et personnelle se nouent, s'affrontent dans un paysage désolé et renvoient à la force révolutionnaire pacifiste du drame épique. Expressivité de la période bleue, classicisme et surréalisme jouent avec une liberté unique sur l'ambivalence des genres et font triompher le mythe amoureux. Cette oeuvre emblématique de la collection a nécessité la mise en place d'une équipe de restauration pluridisciplinaire, qui a travaillé dans de grands ateliers prêtés par l'Aérospatiale. Un système très performant servant à la présentation et à la conservation du rideau a été élaboré : il lui permet d'être mis au repos sur une surface inclinée, dans un caisson sans lumière, isolé du public, à l'endroit même où il est exposé six mois par an.
Mieux qu'un musée de plus dans le paysage national, les anciens Abattoirs de Toulouse sont conçus comme un lieu d'expérimentation culturelle. Novateur dans l'accueil réservé au public, il s'articule autour de 3 pôles : la sensibilisation à l'art moderne et contemporain, la recherche et la création. L’enjeu est de taille et le défi à la mesure de l'établissement : comment guider, former, amuser, fidéliser un public dans ce nouveau lieu culturel consacré à fart du XX° siècle ? Cette reconversion des Abattoirs est aussi l'invention d'un nouveau site où l'architecture du XIX° siècle, redynamisée par une écriture contemporaine, attirera certainement un public plus diversifié que celui qui fréquente habituellement les musées. Guidés par un souci de démocratisation de cet art contemporain réputé souvent élitiste et inaccessible, les Abattoirs offrent une large palette d'activités qui n'auront de cesse d'étonner ceux qui franchiront les portes de ce nouvel espace.
Outre une politique active d'expositions d'art moderne et contemporain, et l'édition de catalogues ou d'ouvrages consacrés à l’architecture et à la collection, les Abattoirs ont mis en place un Service des publics afin de privilégier l’accueil de tous les visiteurs. Ainsi, les visites traditionnelles du musée peuvent se prolonger dans des ateliers organisés par des historiens de l'art et des plasticiens ou à l’occasion de conférences et de colloques organisés dans l'auditorium. Les Abattoirs offrent également une nouvelle façon d'aborder les oeuvres à travers des lectures réalisées en collaboration avec le Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées. Il s'agit de tisser des correspondances poétiques, littéraires et théâtrales autour des oeuvres. Toujours dans la même dynamique, des «Tableaux concerts» sont organisés, en partenariat avec le festival de musique toulousain Piano aux Jacobins. Dans ce cadre, une oeuvre de la collection ou d'une exposition inspire, quatre fois par an, la programmation d'un concert de musique instrumentale.
Par ailleurs, les enfants ne sont pas oubliés : des ateliers hebdomadaires de pratique artistique pour les 6/12 ans sont organisés par des plasticiens autour d'un thème, d'une oeuvre de la collection ou d'une exposition. Pour développer chez l'enfant d'autres modalités d'expression plastique, les 7/14 ans peuvent s'intéresser aux interactions entre les nouvelles technologies et l'art contemporain à travers l'outil informatique, dans des ateliers baptisés Miniclic. D'autres espaces permettent aussi de découvrir les manipulations de base sur l'ordinateur, d'appréhender Internet, les logiciels de dessin et de graphisme, de visiter de manière interactive des sites d'artistes pratiquant le «net art» ou de concevoir un projet de mini site.
Dans le même esprit, en partenariat avec le rectorat d'académie, un enseignant d'arts plastiques a rejoint l’équipe des Abattoirs afin d'élaborer un dispositif pédagogique : dossiers destinés à préparer la visite avec les élèves, stages, formations. Des projets spécifiques sont également élaborés chaque année avec des enseignants en ZEP et leurs classes, dans un souci constant de démocratiser l'accès à la culture. Ce type d'opération s'est déjà révélé extrêmement positif à l'instar de celle menée lors du chantier, avant l’ouverture, avec des élèves du quartier du Mirail.
Enfin, les Abattoirs ont particulièrement soigné l'accessibilité du lieu afin de réserver un accueil adapté aux visiteurs handicapés. Une visite en langue des signes a été imaginée pour permettre aux personnes sourdes et malentendantes d'appréhender cet établissement dans sa diversité. Les enfants de 6 à 15 ans non-voyants ou malvoyants pourront quant à eux participer à des animations tactiles et découvrir par le toucher certaines oeuvres de la collection ou des expositions. Grâce à une maquette tactile, l’architecture des Abattoirs pourra même faire l'objet d'une visite inédite par le toucher. De plus, une collaboration est mise en oeuvre avec l'un des services de l'hôpital voisin de La Grave afin d'accueillir des enfants hospitalisés de jour dans le cadre d'ateliers spécialement créés pour eux.
Conçue pour les étudiants et les chercheurs comme pour les amateurs, la médiathèque comprend une bibliothèque pour enfants, une salle multimédia et deux grandes salles de lecture pour les adultes.
Dans le pavillon réservé à l'administration, un centre de documentation et de recherche répond, sur rendez-vous, aux besoins des étudiants ou des professionnels. Outre des dossiers d'oeuvres et d'artistes de la collection, ainsi qu'une photothèque, on peut y consulter la base d'inventaire national Videomuseum, consacrée aux oeuvres d'art du XX° siècle dans les collections publiques françaises.
La recherche repose aussi sur 1e travail de fond mené sur la collection : la conservation préventive et la restauration des oeuvres, opérations qui se déroulent dans les salles ou dans les réserves situées au sous-sol du bâtiment. Structurés en fonction des différents domaines techniques couverts par la collection (peinture, sculpture, arts graphiques, photographie), ces espaces sont un lieu privilégié d'étude et d'inventaire du fonds. Ainsi, depuis quatre ans, plusieurs dizaines de restaurateurs du centre de Recherche et de Restauration des musées de France sont intervenus sur des centaines d'oeuvres dans le cadre de campagnes réalisées avec laide de l'État. Le contrôle des oeuvres (et leur restauration éventuelle) se poursuit selon un programme pluriannuel afin d'assurer une rotation régulière des quelque 2000 ouvres de la collection. Enfin, située dans le hall d'entrée du bâtiment principal, une librairie spécialisée propose un éventail complet d'ouvrages et de documents multimédias sur l'art et l’esthétique du XX° siècle.
L'évocation de l'activité culturelle et du foisonnement des Abattoirs ne serait pas complète sans mentionner la présence des artistes. Ils occupent les cours et les salles lors de l'installation de leurs oeuvres dans le cadre d'expositions temporaires telle que « l’Oeuvre collective » et animent des ateliers, des projets ou des forums en ligne. En outre, l'un des pavillons d'entrée accueille des artistes lors de certains événements, prolongeant, le temps d'une exposition, leur travail dans un « open studio », accessible au public. Ainsi en est-il de Helen et Newton Harrison, artistes américains venus inaugurer la formule en travaillant, durant l'été 2000, sur un projet écologique et artistique relatif à la Garonne toute proche. Cette présence d'artistes symbolise plus que tout le renouveau des Abattoirs qui, délaissés depuis plus de dix ans, reconstruisent leur histoire en s'ouvrant à la création, à l'animation et à toutes les formes d'expérimentation artistique.
Le musée d’art contemporain des Abattoirs est géré par un syndicat mixte constitué à 60 % par la ville de Toulouse, propriétaire des murs, et à 40 % par la Région. Sur un budget de 4,3 M€, 2,15 millions sont consacrés aux activités artistiques. Chaque année, des œuvres d’art sont acquises pour un montant de 283 000 €. Librairie, restaurant, nettoyage et sécurité sont concédés à des sociétés extérieures.
Les 41 salariés du musée se nourrissent ici de la réflexion sur l’histoire de l’art contemporain, de la bibliothèque à la médiathèque, à travers 15 000 livres, plus de 80 revues internationales d’actualités artistiques, 12 ordinateurs connectés aux sites Internet voués aux musées et collections du Monde. Au rez-de-chaussée, 8 animateurs s’occupent des ateliers d’arts plastiques ouverts aux enfants. La face cachée de l’iceberg abrite le reste du personnel chargé de la régie des œuvres. Tandis qu’une équipe planche déjà sur la muséographie de la prochaine expo, une autre s’active à la gestion des réserves, à la maintenance.
Sur les 9 000 m² d’espace du musée des Abattoirs, les bâtiments en occupent 6 700. Chaque année, 200 000 visiteurs fréquentent les 2 800 m² de locaux consacrés aux expositions majeures proprement dites et au fonds permanent. Installé à l’entrée, le central de surveillance est un condensé de systèmes vidéo classiques, d’alarmes anti-intrusion, de détecteurs d’incendie … Trois gardien y sont de permanence. Branchées à l’extérieur comme dans toutes les salles, des caméras filment en permanence l’activité. En fonction des pics d’affluence jusqu’à 20 surveillants parcourent la zone selon la morphologie de l’exposition en cours et la valeur des œuvres présentées. Ils sont reliés au central par radio.
La santé des œuvres passe par des manipulations très précises : hygrométrie rigoureuse, protection antichoc, et parfois même mise en caisson d’isolation pour les œuvres très fragiles. Ainsi le fabuleux rideau de scène de Picasso, peint en 1936.
Assuré par des sociétés nationales hautement spécialisées, dont deux ont des antennes à Toulouse, le transport des œuvres est crucial tout autant que leur stockage dans le sous-sol du musée. Les plus importantes nécessitent l’utilisation des grues spéciales. Tout est répertorié sur ordinateur : plans de montage, notices de démontage, études des monographies et des conditions exigées par les prêteurs, assurances, procédures de passage aux douanes … Les dossiers sont nombreux et les démarches très rigoureuses au regard des conditions exigées par les prêteurs publics et privés.
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