Canal du Midi :)

 

Le trajet du Canal du Midi :)

 

Ecusson du Canal du Midi :)Ce chemin d'eau qui serpente dans des campagnes écrasées de chaleur, protégé par la voûte ombreuse de platanes centenaires, est l’œuvre de l'homme.

Le canal du Midi fait, à ce point, partie du paysage qu'il semble avoir toujours existé. 

Les ouvrages d'art qui jalonnent son parcours sont les témoins d'une aventure qui mérita tous les superlatifs, en un temps pourtant peu avare de grandeur.

 

C'est sous le règne de Louis XIV, au printemps 1681, qu'est inauguré le canal royal de communication des deux mers, premier canal à bief de partage de grande envergure construit dans le monde. D'une longueur de deux cent quarante et un kilomètres, la « Merveille de l'Europe », comme l'appela Vauban, relie Toulouse et la Garonne au port de Sète. Désormais, la navigation est ouverte depuis l'océan Atlantique jusqu'à la Méditerranée.

 

Pierre Paul Riquet, celui sans qui rien n'aurait été possible, est mort avant l'achèvement de son canal. Mais avec le temps, tous ses objectifs ont été atteints.

Il voulait construire « pour la gloire » : son nom reste, et pour toujours, attaché à son oeuvre. Il voulait développer le commerce : le canal fut une voie de trafic très animée. Il voulait que les bateaux puissent joindre les deux mers sans affronter les aléas de la navigation maritime : les plaisanciers d'aujourd'hui réalisent son vieux rêve.

 

Pierre Paul Riquet se définit, comme « un homme de gabelle » qui « se mêle de nivelage », dans une lettre du 15 novembre 1662 à Colbert, intendant des finances de Louis XIV où il défend avec ardeur son projet de liaison des deux mers. Riquet est alors un homme au faîte de sa puissance. Riquet est riche et pourrait vivre tranquillement dans son château de Bonrepos, mais cet amateur de sciences veut créer, dans la province de Languedoc, un canal qui relierait Atlantique et Méditerranée. Il suggère de capter les eaux de plusieurs torrents et de les conduire, par des rigoles, jusqu'à Naurouze, point le plus élevé du canal, où elles se partageront naturellement. Les arguments de Riquet, sa connaissance du terrain, et surtout l'ampleur de son engagement (il est prêt à investir toute sa fortune) convainquent Colbert qui appuie son projet auprès du Roi. Une commission d'étude nommée par Louis XIV émet un avis favorable en 1665, sous réserve que Pierre Paul Riquet fasse, à ses frais, une rigole expérimentale pour amener l'eau jusqu'à Naurouze. 

L'essai est un succès ! 

Reste le problème du financement du plus grand chantier du siècle. Riquet, nommé, en 1660, fermier général en Languedoc, Roussillon et Cerdagne, dispose de moyens importants. Les caisses du royaume étant au plus bas, la proposition de Riquet d'un partenariat entre lui-même, comme entrepreneur, l'État, et la province de Languedoc est agréée.

Un édit du Roi Soleil d'octobre 1666 autorise la construction du canal. 

Riquet a bien négocié sa participation financière. Le canal est érigé en fief héréditaire : il en devient le seigneur, et aura, ainsi que ses héritiers, le droit exclusif d'édifier maisons, moulins, entrepôts, de construire des barques, de percevoir les péages, et de faire justice. 

 

Début 1667, il recrute mille ouvriers. Les travaux des rigoles sont entrepris. La première pierre du bassin de Saint-Ferréol, gigantesque magasin d'eau du canal, est posée le 15 avril.

En novembre 1667, la construction de la première écluse de Toulouse est entamée.

En janvier 1668, Riquet se rend à Sète pour suivre l'état d'avancement du chantier du port. Il est partout à la fois, et se consacre entièrement à la tâche de sa vie « je regarde mon ouvrage comme le plus cher de mes enfants », écrit il à Colbert.

Riquet a alors près de soixante ans, mais il compense les pesanteurs de l'âge par sa foi inébranlable dans le succès final, son sens de l'organisation et sa ténacité. Ce méridional énergique devra sans cesse lutter :

 

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Contre le temps : il a l'obligation d'aller vite pour ne pas lasser la bonne volonté royale.

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Contre les hommes : il est continuellement en butte à la jalousie et aux médisances, et a du mal à supporter la surveillance pointilleuse de Colbert.

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Contre la nature : mais Riquet la craint moins que les hommes. Il improvise d'ailleurs des solutions d'une hardiesse étonnante quand se présentent à lui des obstacles réputés infranchissables : pont-canal du Répudre, tunnel du Malpas, escalier d'eau de Fonserannes.

 

Le manque chronique de liquidités empoisonne sa vie. Au fil des ans, il a englouti tous ses biens (il aurait participé à hauteur de près de trois millions de livres sur un coût total évalué à plus de quinze millions de livres), et enrage de passer son temps à chercher les moyens de payer ouvriers et matériaux. Le chantier emploiera jusqu'à douze mille ouvriers qui creuseront le canal à la force de leurs bras. En matière sociale aussi, Riquet innove en proposant salaires élevés et avantages sociaux : il paie jours de fête et dimanches, les jours de pluie qui nécessitent l'arrêt des travaux et, même, les jours de maladie. Par moments, le découragement le gagne : « On pourra dire dans le monde que j'ai fait un canal pour m'y noyer avec toute ma famille... ». 

 

Quand il meurt, épuisé et presque ruiné, le 1° octobre 1680, il manque à peine une lieue pour que le canal ne soit achevé.

Ses fils prennent le relais et, au printemps suivant, le canal est enfin mis en eau.

 

L'inauguration a lieu en mai 1681, dans la liesse générale. 

Après trois jours de fête, à Castelnaudary, les 17, 18 et 19 mai, 24 barques empruntent le canal pour atteindre Béziers, le 23 mai. 

La barque dite royale, en forme de galère, emmène la famille de Riquet et de nombreux notables. Certaines sont chargées de marchandises à destination de la foire de Beaucaire. 

 

Le Grand Riquet, celui que l'on surnommait « le Moïse du Languedoc », car, à l'instar du héros de la Bible, il avait fait jaillir l'eau nécessaire à son canal, laisse à la France une réalisation unique, déjà célébrée par Louis XIV, dans l'édit par lequel il ordonnait la construction du canal, « un grand ouvrage de paix, capable de perpétuer aux siècles à venir la mémoire de son Auteur, et d'y bien marquer la grandeur, l'abondance et la félicité de notre règne ».

 

A la mort de Riquet, ses fils, Jean Mathias, baron de Bonrepos, et Pierre Paul, comte de Caraman, doivent assumer un lourd héritage : il faut rembourser les emprunts, et achever l'ouvrage. De plus, le canal une fois terminé, présente quelques défauts. Riquet, pressé par le temps, a fait parfois des choix hâtifs. Le franchissement des rivières, par exemple, s'effectue à niveau, et les dépôts laissés par les crues provoquent un envasement chronique. 

Les héritiers demandent l'avis éclairé de l'architecte Sébastien Le Prestre de Vauban, commissaire général des fortifications du royaume. Le grand homme visite le canal en 1686, et malgré les problèmes constatés, il ne ménage pas ses éloges. Pour lui, « le canal de jonction des mers est sans contredit le plus beau et le plus noble ouvrage de cette espèce jamais entrepris... », et il ajoute même « qu'il eût préféré la gloire d'en être l'auteur à tout ce qu'il avait fait ou pourrait faire à l'avenir ». II préconise diverses modifications, dont la réalisation est confiée à Antoine de Niquet, directeur général des fortifications de Languedoc et de Provence. De 1687 à 1693, quarante neuf aqueducs sont construits, dont les imposants ponts-canaux de la Cesse et de l'Orbiel, la rigole de la Montagne est prolongée par le tunnel des Cammazes, et la digue du bassin de Saint-Ferréol est rehaussée.

 

Assurer la liaison entre l'Atlantique et la Méditerranée, en évitant les dangers de la navigation maritime, le détroit de Gibraltar, les pirates, et donc « rendre le commerce florissant dans le Royaume » était la raison d'être du canal royal des Deux-Mers. 

Pierre Paul Riquet, en homme moderne, soucieux de rentabilité, avait fait des calculs qui prouvaient l'avantage économique du transport par voie navigable comparé au transport par chariot ou à dos de cheval. 

Le réseau routier étant très médiocre, le « chemin d'eau », malgré le coût des péages, remporta, dès son ouverture, un réel succès : les barques chargées de blé, de vins, d'huiles, de fruits, de textiles, d'épices, furent nombreuses à l'emprunter, et un service de poste transportant les voyageurs fut rapidement mis en place. 

La ville de Narbonne, dont Riquet avait envisagé, dans un premier temps, de faire le débouché du canal sur la Méditerranée, n'apprécia guère de se trouver en dehors de ce courant commercial. Des travaux furent entrepris, dès 1686, pour rendre navigable la Robine, un ancien lit de l'Aude, utilisé comme canal dans l'Antiquité. Mais il fallut attendre près d'un siècle pour que la liaison entre le canal des Deux-Mers et la Robine soit effective, avec le creusement du canal de jonction. 

C'est également à la fin du XVIII° siècle, en 1776, que fut inauguré à Toulouse le petit canal de Saint-Pierre, appelé aussi canal de Brienne, qui permettait de contourner l'obstacle de la chaussée du Bazacle, sur la Garonne. 

Mais la jonction entre les deux mers était alors loin d'être parfaite. Entre l'Océan et Toulouse, il fallait toujours emprunter la Garonne, avec ses crues violentes et ses basses eaux d'été. De plus, les barques du canal n'étaient pas adaptées à la navigation sur la Garonne, ce qui impliquait un transbordement de marchandises dans les ports toulousains. 

La nécessité de faciliter le trajet depuis l'Océan n'avait pas échappé à Vauban, qui avait déjà proposé la construction d'un canal latéral à la Garonne. Mais c'est seulement au XIX° siècle que se trouvèrent enfin réunies les conditions de sa naissance sa mise en service date de 1856.

 

Côté Méditerranée, la circulation ne se fit pas non plus sans difficulté. 

Les ports de Sète et de Narbonne étaient régulièrement ensablés. Et si le canal des Étangs, qui relie Sète à Aigues-Mortes, fonctionna dès la fin du XVII° siècle, il n'en alla pas de même pour son extension jusqu'au Rhône : ce n'est qu'en 1808 que le canal de Beaucaire fut mis en service. 

 

Deux siècles furent donc nécessaires pour parachever l’œuvre de Riquet et permettre une navigation à la fois rapide, sûre et économique entre les deux mers et entre deux grands fleuves, la Garonne et le Rhône, à travers les terres.

 

Seigneurs et maîtres du canal jusqu'à la Révolution, les héritiers de Riquet font fructifier leur capital. Ils entretiennent avec soin leur machine hydraulique, créent une administration efficace pour la perception des droits, et s'attachent un personnel dévoué, par des avantages sociaux et par la transmission quasi héréditaire de leur fonction. 

Au milieu du XVIII° siècle, les états de Languedoc envisagent de racheter les droits de la famille Riquet, mais reculent devant les quelques huit millions de livres demandés.

 

Le XIX° siècle voit à la fois l'apogée et le début du déclin du canal du Midi. Le tonnage des marchandises transportées n'a cessé d'augmenter. 

Les barques de poste qui emmenaient en quatre jours les voyageurs de Toulouse à l'étang de Thau, gagnent encore en rapidité : à partir de 1845, il faut à peine 36 heures pour effectuer le même trajet. Mais en 1858, la compagnie des chemins de fer prend en bail, pour 40 ans, le canal du Midi. La concurrence du train sera fatale aux voies navigables. Le trafic baisse inexorablement, même s'il connaît une reprise après 1898, lorsque les péages sont supprimés suite au rachat par l'État des droits de propriété du canal. 

Au début des années trente, les automoteurs en acier se généralisent. 

 

Aujourd'hui, seuls les touristes empruntent encore le chemin d'eau de Riquet.

Nombreux sont ceux qui goûtent aux charmes d'une balade le long du canal du Midi. Plaisanciers qui préfèrent sa sécurité pour joindre Méditerranée et Océan, touristes qui aiment à visiter une région au fil de l'eau, randonneurs à pied ou à vélo suivant les chemins de halage. Ils savourent les jeux toujours renouvelés de l'eau et de la lumière, la variété des paysages, des collines verdoyantes du Lauragais aux vignobles des Corbières, l'architecture des ouvrages d'art et des bâtiments du bord du canal, faite de grandeur et de simplicité, et, aussi, les mets locaux. 

Le long de cette voie royale, ils nouent des liens avec les éclusiers, toujours présents, qui entretiennent la flamme du souvenir, et découvrent la richesse de ce patrimoine, mais aussi sa fragilité. A certains endroits, les berges s'écroulent ; la coque du bateau peut racler le fond encombré. 

Tout est mis en oeuvre pour rendre agréable les bords du canal avec la réalisation de zones de mouillage telles que Port Sud ou Ramonville ou la possibilité de louer des pénichettes ou encore la transformation de certaines péniches en restaurant, en cabaret, en salle de spectacles, en bibliothèque ou en galerie.

Le footing du samedi matin ou la promenade familiale, pédestre ou cycliste, du dimanche, à l'ombre des platanes plantés pour éviter l'évaporation, ont été rendus possibles grâce à l'aménagement des chemins de halage et à la réalisation de pistes cyclables.

 

Le rôle économique du canal du Midi a bien diminué, mais son utilité dans l'irrigation des terres est manifeste et sa vocation touristique constitue un sérieux atout. 

Quant à l’œuvre d'un visionnaire nommé Riquet, elle demeure et est inscrite par l'Unesco, depuis décembre 1996, au patrimoine mondial de l'humanité, rejoignant au panthéon des réalisations de l'homme, des sites aussi illustres que Le Mont-Saint-Michel, Lascaux, Delphes, Abou Simbel ou encore l'Alhambra de Grenade.

 

La statue en marbre blanc de St-Béat de Pierre-Paul Riquet, réalisée par Bernard Griffoul-Dorval de 1831 à 1853, disparue un temps du haut des allées Jean Jaurès, a repris sa place pour l'inauguration du métro de Toulouse le 26 juin 1993.

Pierre-Paul Riquet tourne le dos au Canal du Midi mais semble l'offrir à la ville et à ses habitants.

Pour agrandir, il suffit de cliquer sur les photos :)

Le canal du Midi :)

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